mardi 17 juillet 2012

HOMÈRE : l'écho de la tradition et le paradoxe de l'écriture du mythe

           
 Homère, avec Hésiode, est le plus ancien des poètes de la Grèce antique dont nous avons conservé et universalisé la mémoire, jusqu'à maintenant. L'Iliade et l'Odyssée, sont ses deux oeuvres mondialement connues. 

Homère (1812), par Philippe-Laurent Rolandmusée du Louvre 
".. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie
Roule sa hanche jusqu'à nous. Au très grand large loin de nous
fut imprimé jadis ce souffle..
Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres :
la mort elle-même, à son de conques, ne s'y ferait jamais entendre"

Amers, Saint-John Perse
(O.C, pp. 233, 326, 330, 340, 356, 358, 360)

       Le PARADOXE c'est que cette transmission a pu se faire par une écriture, aux caractéristiques certes anciennes, mais de fait "moderne" (600 av. J-C.) par rapport à la tradition orale bien plus lointaine, dont elle se fait l'écho. 
     Selon les travaux entrepris par les  archéologues depuis Henrich Schliemann (1822-1890), au XIXe, il s'agirait des "siècles obscurs" (Anthony Snodgrass, The Dark Age, 1971) qui suivirent la chute, vers la fin du XIIIe av. J.-C., de la civilisation des Mycéniens (qui seraient donc les Achéens de l’Iliade, à la fin de l'"âge du bronze") : une civilisation centrée sur la Grèce continentale, à la frontière de la Méditerranée occidentale et de l'Orient. Cette crise ou "catastrophe" se serait caractérisée par un déclin démographique et une perte des techniques de l'architecture et de l'écriture. Cette dernière, retrouvée au VIIIe av. J.-C., correspondrait à une "Renaissance" de la Grèce. Mais, aujourd'hui, les archéologues sont plus prudents sur cette reconstruction de l'histoire opposant ombre et lumière, comme dans la notion de "Moyen Âge" occidental.

          Tous les philologues se sont accordés, malgré ces débats d'historiens, à souligner cette spécificité majeure : la force de ces deux  épopées, l’Iliade et l’Odyssée, vient, d'abord, de la "voix" et des images, qui transfigurent le "texte" autant par des manières de parler archaïque (épithètes, formulations toutes faites répétées invariablement) que par sa forme poético-musicale singulière, l'Hexamètre dactylique ...
           Cette métrique, d'ailleurs réservée aux hymnes chantés dans les sanctuaires lors des fêtes religieuses, n'était pas conforme au rythme naturel de la langue grecque qui tendait plutôt à pratiquer l'Ïambe , si l'on en croit ARISTOTE (Poétique 1449 a). Mais elle sera encore conservée par les précurseurs, présocratiques, de la PHILOSOPHIE : tels Parménide d'Elée et Empédocle, ces physiologues inventeurs d'un nouveau concept de  Physis (φύσις / Nature) qui creusera la rupture avec la tradition, dans les failles de laquelle se développera cette nouvelle pensée, la philosophie.

http://homerica.msh-alpes.fr/rh/moderne/plastique/mendiant/  
    
    Le PARADOXE, c'est donc celui d'un auteur, entre tradition et modernité, dont l'ART serait d'avoir pu s'effacer au profit d'une parole qui le dépasserait en tant qu'individu. "Versifier" serait dans ce sens, privilégiant la tradition, d'abord se "souvenir" : "se souvenir des mots, des expressions, des phrases entendues dans le récit des aèdes qui lui avait enseigné le style traditionnel de la poésie héroïque" (Milman Parry, Les formules de la métrique d'Homère1928, Université de Paris, Thèse, p. 6). 
     



         Mais des commentateurs plus contemporains ne peuvent s'empêcher de défendre le génie créateur de l'artiste, c'est-à-dire de l'auteur Homère et de son irréductible individualité que l'on ne pourrait nullement réduire en tant qu'écrivain à la mécanique d'un "robot" (Italo Siciliano, Les Chansons de geste et l'épopée : Mythes, histoire, poèmes, Turin, 1969, p. 168 et dans le même sens : Gabriel Germain, Homère, Seuil, 1958, p.27).

              Toujours est-il, qu'à la frontière de l'écriture, entre tradition orale et modernité, la figure de l'auteur reste la mystérieuse image d'un poète légendaire dont le visage aurait les traits du devin aveugle, parce qu'il serait ou verrait par-delà l'illusion des apparences singulières et individuelles : la vérité éternelle et universelle.


       En guise de conclusion provisoire, je vous invite à consulter une exposition en ligne de la bnf qui propose une petite vidéo de "présentation" de cet auteur im-présentable ou "irrepésentable" sinon" irreprésenté" ...        

          Voici le lien : 

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